dimanche 23 juin 2013

A Villeneuve-sur-Lot, le front républicain en lambeaux 23.06.13 | 09:32 | LE MONDE Patrick Roger

Etienne Bousquet-Cassagne, le candidat Front national dans la circonscription de Villeneuve-sur-Lot, le 16 juin. AFP/MEHDI FEDOUACH

Au soir du premier tour de l'élection législative partielle dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne, dimanche 16 juin, le candidat socialiste, Bernard Barral, éliminé, avait appelé à "faire barrage" au FN. Appel relayé par les responsables locaux et nationaux du PS. Le candidat de l'UMP, Jean-Louis Costes, avait mollement saisi la main tendue par son rival, tandis que Jean-François Copé et François Fillon appelaient les électeurs à se mobiliser derrière lui "afin de sanctionner la politique conduite par François Hollande".

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De cet éphémère ersatz de "front républicain", il ne reste plus que des lambeaux, et les appels à faire barrage au FN se sont faits de plus en plus discrets. "On ne va quand même pas aller apporter nos voix pour qu'elles comptent comme une sanction de la politique du gouvernement que nous soutenons", explique désormais le coordinateur de la campagne de Bernard Barral, qui pour sa part votera blanc. Une attitude largement partagée par les sympathisants socialistes, à l'instar de Marie-Françoise Béghin, conseillère régionale et municipale de Villeneuve-sur-Lot, qui s'estime"déliée" de tout engagement.

Le Front de gauche a tardé à arrêter sa position pour finalement, dans un communiqué, expliquer que l'élection du candidat UMP"aggraverait les politiques antipopulaires" mais que "pas une seule voix ne doit aller à l'extrême droite". Une invitation, en quelque sorte, à rester chez soi ou aller à la pêche.

Les écologistes s'en tirent aussi par une pirouette, en estimant que"les électeurs, dont les voix ne nous appartiennent pas, sauront trouver l'attitude la plus conforme à leurs convictions". Quant à la candidate du NPA, elle estime n'avoir pas à trancher "entre deux candidats de droite". Enfin, Anne Carpentier, animatrice d'un journal local, La Feuille, qui se présentait sous l'étiquette du Parti d'en rire, et a recueilli plus de 3 % des voix au premier tour, se refuse à choisir"entre la peste et le choléra".

DÉSARROI

Au-delà de ces prises de position politiques, le plus frappant, au fil des derniers jours de campagne avant le second tour, est la désinhibition des électeurs à annoncer leur intention de voter pour le candidat du FN. Y compris chez certains qui se réclament de gauche mais en sont orphelins. Villeneuve-sur-Lot est un miroir de la dislocation sociale et idéologique d'une société, dont des pans entiers sont naufragés, à la dérive. L'état de désarroi du pays se reflète à travers cette partielle. Et tant d'autres symptômes.

Il suffit d'écouter cette lancinante complainte de l'"abandon". Les mots sont les mêmes : pour ces électeurs, dont bon nombre n'ont plus envie de se déplacer, la gauche n'a pas plus de solutions que la droite. Toutes deux ont échoué, toutes deux sont associées à une même impuissance. Paradoxalement, le "front" anti-FN n'est pas suivi d'effet, mais en plus conforte l'idée d'une collusion des partis du "système" et renforce l'idée d'un vote en faveur du parti lepéniste pour "renverser la table". C'est la double peine.

Un pronostic à la veille du second tour est difficile à établir. Michel Guiniot, le directeur de campagne du candidat du FN, Etienne Bousquet-Cassagne, fait observer une donnée. En mars, dans la législative partielle de la 2e circonscription de l'Oise, le candidat UMP, arrivé en tête au premier tour avec plus de 40 % des voix, devançait la candidate du FN de 14 points. A l'arrivée, il ne l'a emporté qu'avec moins de 3 points d'écart. Cette fois, à peine 900 voix séparent les deux candidats.

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Vendredi soir, à Villeneuve-sur-Lot, c'était Fête de la musique. A une table en terrasse, six jeunes filles. Toutes, au premier tour, ont émis un vote différent. Toutes au second, voteront "contre le FN","parce qu'on ne peut pas laisser faire ça". C'est peut-être de là que viendra le sursaut.

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