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lundi 2 avril 2012

Pour les banlieues, Hollande veut créer un grand ministère de l'égalité 02 AVRIL 2012 | PAR STÉPHANE ALLIÈS MEDIAPART


·        Dans les quartiers, François Hollande peut-il parvenir à se mettre dans les pas de Ségolène Royal ? Longtemps ignorée, y compris lors de la primaire socialiste, la thématique des banlieues est enfin prise en compte par le candidat socialiste. Considérant que c'est là que se retrouve le plus important réservoir d'abstentionnistes de gauche, le candidat du PS a décidé d'accompagner la vaste entreprise de porte-à-porte entamée il y a un mois (lire nos articles) d'une présence accrue sur le terrain.

L'ambition est de retrouver, voire d'amplifier, la dynamique électorale qui avait accompagné la candidate socialiste de 2007. A l'époque, Royal avait su remobiliser un électorat auparavant abstentionniste, et qui l'est redevenu depuis, y compris lors de la primaire socialiste. François Hollande, qui a mis en garde ce week-end contre l'abstention, jugée comme étant le danger principal, veut inverser la dynamique.

Après avoir abordé le sujet à Marseille (lire ici), puis avoir développé son discours sur la question à Strasbourg (lire ici), et avant un meeting à Rennes, reporté en raison des événements de Toulouse, le candidat PS s'est rendu en meeting éclair à Bondy, lundi dernier. Décidé la veille en milieu d'après-midi, le rassemblement improvisé devant l'hôtel de ville avait des airs de fin de campagne américaine : une petite sono, les marches de la mairie en guise de scène, et autour de 300 personnes, dont une bonne moitié de militants, tous drapeaux dehors.

Sortant d'une émission avec le Bondy-Blog, Hollande n'a pas fait de vieux os : un discours d'une vingtaine de minutes, tournant essentiellement autour d'une dénonciation de la politique de Sarkozy vis-à-vis des banlieues, et accompagné d'odes aux habitants des quartiers. «Quand je vous vois, je ne vois pas une apparence, mais une évidence, celle de l'appartenance à une même communauté nationale», s'est-il ainsi exclamé sous les applaudissements. Plus encore qu'à l'accoutumée, Hollande entend jouer de l'effet miroir anti-Sarkozy pour engranger des votes dans les quartiers populaires.

Le moment pourrait se résumer à cette phrase d'introduction du président socialiste du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone : «Ici plus qu'ailleurs, nous avons besoin du changement maintenant !» Guère de développements sur la rénovation urbaine et sur les moyens pour réparer «l'injustice»décriée. Mais un accueil chaleureux, les youyous se mêlant aux huées anti-Sarkozy. Quelques minutes de bain de foule derrière une barrière de sécurité, et le candidat clôt l'événement.

Une fois énoncé que la banlieue était «une chance pour la France»et mentionné quelques points de son projet, comme les contrats de génération, la création de postes dans l'éducation nationale ou la situation «indigne» du logement, on ne peut toutefois pas réellement parler de discours fondateur sur sa vision de la politique de la ville. Mais comme le fait remarquer le député de la circonscription, Daniel Goldberg, «dire qu'on a besoin de vous au lieu de vous accuser de faire l'aumône ou de vous stigmatiser sans cesse, c'est énorme». Tout en reconnaissant que cet intérêt pour les quartiers populaires «aurait pu arriver plus tôt dans la campagne», Goldberg l'assure : «Si on arrive à faire ce qu'il y a dans le projet, ce sera déjà fondamental.»

« France modeste » et « quartiers délaissés »

Ce projet plus spécifiquement tourné vers les banlieues, François Hollande devrait le décliner durant une demi-douzaine de déplacements en deux jours, les 6 et 7 avril prochain, à Vaulx-en-Velin et Creil, puis en Île-de-France (Trappes et Aulnay-sous-Bois notamment). Au QG parisien du candidat, mardi dernier, le pôle «Politique de la ville» de son équipe de campagne, composé d'une majorité de sénateurs, a présenté la vingtaine de propositions spécifiques concluant «l'appel du printemps» (lire ici), qui sera signé par des représentants du monde sportif, culturel et associatif. Etrangement, le texte fait le lien entre «la France rurale» et celle«des quartiers populaires où le service public recule à mesure que le chômage progresse», comme «les deux faces de la France modeste».

«Cette transversalité permet d'aborder sous un même prisme les questions d'éducation, de santé ou de transports, sous l'angle de la réappropriation territoriale», explique Marianne Louis, secrétaire nationale du PS. Défendant l'idée d'en finir avec une vision spécifique de la banlieue, le groupe de travail est mené par le sénateur de Savoie Thierry Repentin, qui dit avoir consulté «élus, préfets et sous-préfets ayant des états d'âme sur la conduite de la politique de la ville, et leaders associatifs à l'expression différente mais complémentaire».

Parmi la vingtaine de propositions s'adressant aux «quartiers délaissés», si certaines ressemblent à des déclarations d'intention assez floues (comme les promesses de «formation des forces de police à la lutte contre les discriminations», de «transparence dans le suivi des dossiers de demande de logement social», de«tarification solidaire dans les transports» ou de «reconnaissance des cultures urbaines»), d'autres sont défendues comme un changement de paradigme, «une approche de reconquête républicaine», dit Repentin : «Les politiques de droit commun se sont désengagées de certains territoires au prétexte de politiques exceptionnelles, dont il faut admettre qu'elles ont échoué.»

La priorité est donc à la déclinaison du projet de François Hollande, en reprenant ses principales propositions pour le compte des quartiers abandonnés, à chaque fois érigés destinataires prioritaires. Ainsi la création de 60.000 postes dans l'éducation nationale, ou celle de 10.000 postes de policiers, ou encore celle des 150.000 emplois d'avenir. De même une filiale spécifique de la banque publique d'investissement promise par Hollande devrait être destinée aux «projets d'entreprises des habitants du quartier».

En revanche, la mise en œuvre des «emplois francs» répond pragmatiquement à l'une des attentes les plus vives des habitants des quartiers. «On rompt avec la logique des zones franches créant des effets d'aubaine pour des entreprises ne restant dans le quartier que le temps où elles sont exonérées de charges sociales, explique le sénateur et ancien maire de Clichy-sous-Bois, Claude Dilain, qui porte depuis longtemps cette revendication. Ici, l'exonération concerne l'emploi d'un habitant dans un quartier, il n'y a pas besoin de venir s'y installer.» Autre dispositif imaginé, une «clause d'insertion» imposant aux entreprises postulant à un appel d'offres l'embauche d'une part (non déterminée) de chômeurs issus du quartier populaire concerné par le contrat public.

Pour Marianne Louis, «si on crée ne serait-ce que 150.000 emplois au total dans des territoires prioritaires, cela signifie 100 à 150 personnes qui retournent à l'emploi dans chacun des quartiers identifiés, et souvent autant de familles. Ça c'est concret, et ça permet de changer le quotidien d'une banlieue».

Un ministre pour « s'imposer à Bercy »

Hors de question donc de «céder à un slogan type "plan Marshall" ou "plan espoir banlieue"», dit Thierry Repentin, l'entourage du candidat socialiste préfère mettre en avant «un ensemble de mesures reposant sur le volontarisme», évitant ainsi«des promesses qui ne seraient pas tenues ensuite». «C'est un exercice de lucidité», dit Marianne Louis, qui estime que l'éventail de propositions peut permettre «des effets de leviers pour enclencher une dynamique positive, basée sur la reconnaissance».

Dans la même veine, ainsi que l'explique l'ancien maire de Cachan et désormais sénateur du Val-de-Marne Jean-Yves Le Bouillonec, un François Hollande élu président mettrait fin «à la politique du zonage permanent» («On n'en peut plus des Zones urbaines sensibles (Zus), Zones d'éducation prioritaire (Zup), zones franches…»), au profit d'un «pacte territorial, incluant la rénovation urbaine, l'éducation et l'action sur l'emploi». Celui-ci«engagerait tous les ministères concernés».

Pour parvenir à mettre en œuvre une telle politique globale qui prendrait en compte la situation des quartiers populaires, l'équipe Hollande explique ainsi que le rituel du secrétaire d'Etat à la politique de la ville doit laisser la place à un «ministre d'Etat à l'égalité des territoires, directement lié au premier ministre». Pour Claude Dilain, c'est un moyen de «retrouver l'âge d'or de la délégation interministérielle de la ville (DIV) dans les années 80, quand le délégué Yves Dauge entrait sans frapper dans le bureau de Mitterrand». Et ainsi «s'imposer à Bercy» et avoir plus de chances de remporter des arbitrages lors de la préparation du budget. 

Enfin, François Hollande promet la mise en œuvre d'une seconde phase de «renouvellement urbain», venant compléter le premier plan imaginé par Jean-Louis Borloo avec la création de l'ANRU en 2003. Selon les socialistes, l'application de cette «ANRU 2» devrait être plus transparente et concerner toutes les communes, et non principalement celles de droite comme jusqu'alors. Sur la méthode, ils préconisent également davantage de concertation participative avec les habitants.

(Lire un article du sociologue Renaud Epstein dressant le bilan de l'ANRU - en PDF)

A en croire l'équipe de campagne, les engagements du candidat socialiste sont compatibles avec sa volonté de «donner du sens à la rigueur». «Il a également dit qu'il donnerait du sens à de nouvelles recettes, comme par exemple avec le doublement du plafond du livret A», rétorque Marianne Louis. «Aujourd'hui encore, des mesures budgétaires favorisent le prêt à taux zéro ou les dispositifs Robien et Scellier d'aide à l'investissement locatif,conlut Jean-Yves Le Bouillonnec.
Tout est affaire de choix politique»

 

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