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samedi 5 mars 2011

"En dix ans, le débat sur l'islam s'est substitué au débat sur l'immigration"

pour Le Monde.fr | 28.02.11

Des musulmans écoutent des prières au premier jour de la fête religieuse Eid Al-Adha, à Tirana.REUTERS/ARBEN CELI

Saïd 75007 : Quels sont les thèmes du débat sur l'islam et les objectifs visés (explicitement et implicitement) ?

Stéphanie Le Bars : A l'origine, le président de la République a souhaité un débat sur la laïcité et l'exercice des cultes et la présence de l'islam en France.
Ce débat est censé être animé par l'UMP qui doit tenir une convention sur ce sujet le 5 avril. Selon M. Copé, secrétaire général de l'UMP, ce débat vise à faire le point sur les pratiques musulmanes de même que sur la formation des imams, le financement des lieux de culte, la prise en compte en général de l'islam dans la société.
En réalité l'ouverture de ce débat fait suite aux polémiques relancées par la présidente du Front national, Marine Le Pen, sur les prières de rue et "l'islamisation" de la société française.
Et l'UMP n'a pas voulu laisser le Front national seul sur ce terrain.
Maycne : Depuis quand parle-t-on d'un "problème musulman" en France ? Savez-vous ce qui en a été l'origine ?
Il apparait que les débats autour de l'islam se sont substitués au fil des années aux débats sur l'immigration, notamment à droite, depuis une dizaine d'années.
Cela a correspondu à la fois au traumatisme post-11-Septembre et à l'émergence et l'installation dans les sociétés européenne de populations de confession et de culture musulmanes.
En France, l'islam est désormais la deuxième religion. Les polémiques qui y sont liées sont récurrentes (voile islamique, principe de mixité...), elles ont atteint leur paroxysme lors du débat sur le port du voile intégral et sur l'identité nationale en 2009-2010.
Lamine : L'un des problèmes souvent cités pour justifier la nécessité du débat sur l'islam sont les prières de rue. Selon vous, sont-elles organiséespour revendiquer des lieux de culte ou encore pour provoquer l'Etat ? Quelle est l'ampleur du phénomène et son évolution ? Est-ce à relativiser ?
Ce problème mis récemment en exergue par Marine Le Pen n'est pas nouveau. Chaque vendredi ,plusieurs centaines de musulmans prient effectivement sur la voie publique. Depuis des années, ils bénéficient pour cela de la tolérance des pouvoirs publics locaux (Paris, région parisienne, Marseille, etc.). On estime généralement qu'une trentaine de lieux de culte sont concernés. On peut dire qu'en grande partie, cela correspond à un réel manque de locaux même si une petite minorité peut vouloir maintenir cette "manifestation religieuse" pour des raisons plus politiques.
Le manque de lieux de culte est une réalité, notamment dans certaines grandes villes et les projets en cours ne répondent pas toujours aux réels besoins des fidèles. Des mosquées de grande taille sont parfois construites en périphérie des centre-ville, alors que de plus en plus de jeunes pratiquants urbains salariés auraient besoin d'accéder à des lieux de prière de proximité.
Curieux : Pourquoi nier que l'islam pose problème, qu'il n'y a pas séparation entre la sphère public et la sphère privée, et qu'il porte une vision politique ?
Certaines pratiques peuvent effectivement poser problème dans des sociétés non-majoritairement musulmanes. L'islam est en effet une religion très ritualisée dans laquelle les codes alimentaires, vestimentaires, les obligations religieuses sont importantes. Cela peut heurter le tissu social français, plus habitué à une pratique religieuse limitée à la sphère privée.
D'une manière générale, l'islam tel qu'il se pratique en France ne porte pas une vision politique comme on peut l'entendre dans certains pays majoritairement musulmans. On assiste ici d'avantage à des revendications d'ordre religieux qui encore une fois peuvent apparaitre en contradiction avec le principe de laïcité.
Guest : Pourquoi doit-on financer les édifices religieux par de l'argent public ?

La loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat prévoit précisément une interdiction de financement des cultes par les pouvoirs publics. C'est ce que prévoit l'article 2 de la loi qui précise : "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte."
Cela dit, l'histoire et l'évolution de la loi ont donné la possibilité aux collectivités publiques de participer à l'entretien et à la réparation des lieux de culte, de leur ouvrir l'accès à des baux emphytéotiques (loyers à somme modique), de garantir les emprunts souscrits par les associations cultuelles et de financer la partie culturelle des lieux de culte.
En dehors de ces possibilités, les lieux de culte, la rémunération des ministres du culte et leur éventuelle formation sont pris en charge par les fidèles.
Mohamed : Est-il pertinent d'opposer, comme le fait le chef de l'Etat, l'islam en France et l'islam de France ?
Il est vrai que Nicolas Sarkozy, à partir de 2003 lorsqu'il était ministre de l'intérieur, a souhaité conceptualiser un "islam de France". Il a pour ce fait créé le Conseil français du culte musulman (CFCM). Le paradoxe est qu'il a organisé l'institutionnalisation de l'islam de France avec des mouvements et des représentants musulmans liés à leur pays d'origine (Maghreb, Turquie...).
Aujourd'hui, cet islam "officiel" est en décalage avec l'islam vécu et pratiqué par les nouvelles générations. Mais il est vrai qu'on peut malgré tout parler d'un islam de France dans la mesure où certains fidèles vivent leur religion dans la société française, adaptant quand ils le jugent justifié et possible leurs pratiques religieuses.
XXX : Des statistiques un peu sérieuses existent-elles sur le nombre de pratiquants en France ? Ou bien doit-on se contenter du chiffre de "5 millions" dont personne ne sait d'ou il sort ni ce qu'il contient ?
Ce chiffre est fondé sur une extrapolation de la population issue de l'immigration de pays musulmans, mais il est vrai que ce chiffre pose de réelles questions car il recouvre à la fois des pratiquants, des non-pratiquants, des gens qui peuvent revendiquer une culture musulmane tout en étant athées ou agnostiques et ne prend sans doute pas en compte les milliers de Français convertis à l'islam.
Un sondage de 2009 rappelait néanmoins qu'environ un tiers des personnes se reconnaissant de culture et de confession musulmanes se disaient croyants et pratiquants. Quant à la prière du vendredi à la mosquée, ce même sondage IFOP estime à 22 % le nombre de fidèles concernés.
Chat modéré par Caroline Monnot

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